Incroyable.
C'est ce que je me suis dit, en découvrant samedi dernier,
la magnifique salle des boiseries de la bibliothèque médiathèque
d'Epinal. J'ai grandi dans les Vosges, puis exilée à Paris pendant
une bonne 20aine d'années, avec des interruptions voyage (un an
autour du monde, un an à Aix en provence) et je m'y suis récemment
réinstallée.
Le choc, me direz vous ?
Oui. En mieux. Les petits oiseaux le matin, la nature, la tranquillité,
l'accès à à peu près tout, avec moins de monde qui fait la queue, plus
de sourires et de gentillesse, le bien-vivre, le savoir-vivre même,
tout ça fait que je ne vois pas aujourd'hui vraiment ce qui fait courir les gens
à s'entasser dans des appartements minuscules et parfois insalubres dans
la capitale, ou autres grandes villes. La culture ? Tout est sur internet.
Le grandiose ? Oui, mais qui profite du grandiose, à Paris ? Pas ceux qui
vivent entassés, en tous cas. Enfin bref, libre à vous. Mais vous savez, si c'est
ça qui vous inquiète, ils ont des Macdo ici aussi. Et des cinémas. Et des
théâtres, des opéras, des clubs photo, des clubs moto, des clubs loto,
des clubs sportifs. Oui, et aussi des bibliothèques.
Je n'avais pas remis les pieds dans une bibliothèque, en gros, depuis que
j'avais cessé mes études pour devenir prof. Incroyable, me direz vous ?
Oui, incroyable que ce soient les étudiants qui passent le plus de temps
dans les bibliothèques, et pas les professeurs... Car qui est censé détenir
le savoir, après tout ? Les plus au contact du livre sont sans doute les élèves,
et les étudiants, après les bibliothécaires en tous cas. Encore un autre
paradoxe ... bien contente d'avoir quitté la profession.
Bibliothécaire, un métier en voie de disparition ? Pas si sûr.
En tous cas, moi il y a un métier que j'adorerais faire, c'est celui
d'antiquaire-bibliothécaire ... car j'ai toujours adoré les vieux livres.
J'en ai récupéré des tas, de sources diverses, je les garde au chaud (enfin,
pas trop, à bonne température). J'attends qu'ils mûrissent, qu'ils prennent
de l'âge et de la valeur, comme des bons vins.
Et j'ai découvert, tout à fait par hasard, la BMI d'Épinal. J'y cherchais
l'exposition sur Bourgeon, qui s'y tient actuellement, car je suis une
grande fan de BD, et surtout de François Bourgeon, et je me trouvais
déjà drôlement chanceuse de pouvoir enfin voir ses planches originales.
Je pensais trouver une petite bibliothèque municipale, de province,
un peu endormie, bon enfant, familiale comme celles qu'on trouve
dans certains arrondissement de Paris, notamment le 18ème.
Mais finalement j'ai eu droit à Beaubourg !!
Le fin du fin, du high tech, des grands espaces très agréables, un
calme olympien, des tablettes électroniques pour consulter les
livres, et même un service de vestiaire, avec un petit snack bar.
Le café y était excellent. Que demande le peuple ? Bah ... Rien !
Avec la superbe expo Bourgeon de l'entrée, je me demandais
si j'étais revenue, dans les couloirs de la bibliothèque François
Mitterrand, à Tolbiac, grande bibliothèque de France s'il en est.
Et puis, j'ai vu la cerise sur le gâteau.
La salle des boiseries. Et là, je me suis dit que cette bibliothèque,
était ENCORE mieux que la François Mitterrand, principalement
à cause de sa richesse, mais surtout, surtout, parce qu'elle la met
à la portée de tous.
Cette salle est magique. On l'aperçoit en contrebas quand on est
dans l'entrée de la BMI, grâce à une grande baie vitrée.
Ce qui a attiré mon regard, c'est cette grande statue d'art, avec
une très belle mappemonde ancienne derrière elle, (en fait du 19ème siècle),
qui est placée au centre des rayonnages.
Je me suis dit : ah tiens, l'endroit pour les thésards. Pour les
thésards, pouvant montrer patte blanche, avec moult autorisations,
pour consulter les trésors que j'apercevais par la vitre, des
manuscrits (tapuscrits?) anciens et reliés de cuir. Et là, j'ai aperçu des gens
qui euh ... excusez moi, mais ne ressemblaient PAS DU TOUT, à
des thésards !! Des gens normaux, quoi !!
Quoi ?? Mon sang n'a fait qu'un tour. Il fallait qu'on y aille !!
J'ai embarqué ma maman sous le bras, et on est descendues pour
voir si nous aussi, on pourrait voir les livres de plus près !!
Et en cinq minutes, bingo. On s'est retrouvées à l'intérieur avec
une guide, la plus gentille qui soit.
Incroyable. Des livres, ayant traversé les siècles, intacts. certains
du 17ème siècle. Certains du 18 ème siècle. Ils proviennent en
majeure partie, d'une abbaye. Il parait que c'est celle de MoyenMoutiers.
Ils ont été protégés, des pillages, des incendies, de l'humidité, de la
destruction, de la censure, des changements de régimes politiques,
des changements de politiques d'éducation, etc. De tout !
C'est merveilleux, de savoir, que des hommes du 17ème siècle ont
touché et feuilleté les livres qui se trouvaient devant moi.
Comme un voyage dans le temps.
Il se prolonge avec l'architecture de la pièce. Elle est aménagée, comme
une bibliothèque traditionnelle du 18ème siècle, avec de grands
rayonnages et des reliures presque toutes semblables, ce qui donne
l'impression que tous les livres font parties d'un seule et même
grande collection. On y a replacé à tous les angles des rayonnages,
de très belles boiseries sculptées, qui datent du 18ème elles aussi,
elles sont entièrement restaurées. Magique.
Il y a aussi de grands cahiers, des cartes. On peut demander à les
consulter dans une salle prévue pour, et il n'y a pas besoin d'être
en cinquantième année de thèse pour ça.
C'est pas génial ?
On peut être fan de la technologie, comme je le suis, mais on peut
aussi ouvrir des yeux comme des billes, en regardant les vestiges
intacts et si bien préservés, d'un passé finalement pas si lointain
que ça.
En tous cas, moi j'ai adoré !!
Merci la BMI, et merci les spinaliens, de si bien entretenir le
patrimoine bibliothécaire français. Et merci surtout, de ne pas
réserver la culture, l'architecture, la science, l'éducation,
celles du 17ème et du 18ème, à une poignée de snobinards.
Longue vie à la BMI !!
Saucisse