Bonjour,
Alors je continue de vous raconter mon été pas comme les autres ...
Fin juin, sont arrivées ces deux nouvelles particulièrement explosives :
En fait, quand vous travaillez avec un partenaire en ligne depuis plus de
7 ans, et que c'est même grâce à eux que vous avez pris du galon et créé
votre entreprise, confiante, ça équivaut à une mise à pied sans préavis,
ou l'annonce d'une restructuration avec licenciement à la clé.
Il n'y a eu aucun signe avant coureur, à part quelques dysfonctionnements
en décembre et en avril, que nous (les créateurs) pensions dûs à la mise
en place d'un nouveau moteur de recherche et d'une nouvelle interface.
Pourquoi se donner tant de peine pour un site qui allait fermer ?
C'est que jusqu'à la dernière minute, les employés n'ont pas été tenus
informés. Sinon comment expliquer cette démarche absurde ?
Le Titanic Alittlemarket a sombré en silence. Il faut dire qu'on était début juillet,
la sacro sainte période de vacances allait commencer. Plus de cerveau, et des
sujets futiles, comme quelle plage et quel camping choisir.
Presque pas une ligne dans la presse, à part quelques articles bricolés à la
va vite dans la presse média spécialisée dans le numérique, pour un site
dont la page facebook comptait plus de 100 000 abonnés, dont les
entrepreneurs créateurs ont reçu des prix d'innovation etc.
Aucune mention dans la presse télévisée, et la plus grande indifférence du
public vis à vis de cette nouvelle, qui pourtant concerne toute une partie
de la société, clients, vendeurs, créateurs, et cette marge grandissante qui
consomme la plupart du temps en ligne.
Si je suis une employée de la vente en ligne, pourquoi la perte de mon emploi,
est-elle moins importante que celle d'un employé de chez Renault ou PSA ?
De 50 000 à 80 000 boutiques virtuelles qui disparaissent du jour au lendemain,
parties en fumée, ne laissant presque aucune trace de tout le travail accompli.
Un site qui fonctionnait bien pourtant, avec de nombreuses fonctionnalités
raffinées avec le temps, une simplicité d'utilisation à la fois pour le client et
pour les créateurs, et une grande réussite avec des évènements conviviaux
et marchands, reliés partout en France (les journées du fait main, le noël
des créateurs, les little apéros, etc). Surtout, un vrai sens communautaire,
un forum d'entraide, et des services réactifs.
En ce qui me concerne, je perds mes presque 3000 abonnés, donc clients potentiels
et admirateurs, (il ne nous a pas été permis de récupérer leurs adresses mails,
seulement leurs adresse papier), mes plus de 800 évaluations de clients, dont 99%
à 5 étoiles sur 5. 1600 ventes sur ma boutique principale, près de 200 sur ma mercerie,
et une 40 aine sur la petite dernière née.
Mais surtout, j'ai perdu cet été, près de 3000 fiches produits, que j'ai du sauvegarder
manuellement pour pouvoir les réutiliser, parce que l'outil d'export proposé ne
marchait pas (bricolé, lui aussi, à la va vite), et parce qu'une copie d'écran, ça ne se
réutilise pas sur un autre site.
Si vous avez une petite boutique, avec une centaine d'articles, vous faisiez ça en
une semaine. Mais si vous aviez 3 boutiques, une de meubles et bijoux fantaisie,
une de bijoux naturels, et une mercerie, eh bien le 9 septembre, vous étiez encore
train de sauvegarder vos textes et vos images.
J'ai finalement jeté l'éponge la semaine dernière, ayant renoncé à des vacances
pourtant si nécessaires, partiellement parce que je devais tout sauvegarder
avant la fermeture définitive (fin septembre), mais aussi parce que j'ai été submergée
de commandes dès l'annonce de la fermeture, et que malgré tout cela, je dois encore
de l'argent aux administrations dont dépend mon entreprise, donc impossible de
lever le pied. En gros, cet été, j'ai été liquidée, sans mon consentement !!
Si un jour je souhaite mettre mon entreprise en liquidation, je vous préviendrais,
merci. Mais, ce n'est pas encore le cas.
Pourtant, c'est tout comme, et je dois tout reconstruire.
Car comment se douter, qu'une entreprise qui a un chiffre d'affaire à 6 chiffres,
va fermer en un temps record, et sombrer en silence, ses principaux acteurs semés
aux 4 vents ? Et comment se douter, que la presse traditionnelle, qui est si
recroquevillée sur ses "sujets" mitonnés aux petits oignons (4ème reportage sur une
cantine que je vois dans un journal télévisé cette semaine, il ne s'est rien passé dans le monde ?
Les français sont ils si égo-centrés, qu'ils ne s'intéressent pas à ce qu'il se passe au delà
des frontières de l'Europe et du moyen orient ?) va passer cet évènement sous silence
complet, alors qu'elle est la première à aller interroger les ouvriers et
les syndicats, lorsqu'une entreprise traditionnelle restructure ?
La seule explication, c'est que les journalistes ne savent pas.
Pas parce qu'ils ne s'y intéressent pas, mais parce qu'ils ne sont pas
encore assez au fait de l'économie en ligne. Pour eux elle n'est encore
que secondaire par rapport à l'économie des petites et des grandes boutiques,
du commerce "en dur".
Pourtant il va falloir vous y mettre, les amis. Il n'y a qu'à regarder
ce qu'il se passe en périodes de soldes, pour comprendre que le temps du
shopping "en dur" est compté, et que les boutiques réelles ne sont plus
désormais que des vitrines, un peu comme des musées de produits, mais plus
forcément des centrales d'achats. L'achat, va désormais se réaliser ailleurs.
De plus en plus d'acheteurs aiment le confort de leur canapé pour choisir des
produits,et s'en disent satisfaits.
Les clients ont donc une certaine avance sur les médias, qui n'ont pas encore
saisi, qu'une entreprise en ligne qui ferme, peut avoir autant
de répercussions dramatiques sur la vie des employés et de ceux qu'elle fait vivre,
qu'une entreprise en dur. Il faudra certainement d'autres catastrophes pour que les
journalistes s'y intéressent ? Je ne parle pas de ceux de la presse spécialisée...
Vous savez, les journalistes, tout court. Non, pas les chroniqueurs ironiques,
d'émissions à vague fond culturel social et politique.
Ceux qui sont censés, vous faire parvenir les informations ...
AH oui ... j'oubliais ... le premier qui vous fait parvenir les informations, désormais,
n'est plus le journaliste. Ce sont les réseaux sociaux... Mais ceux ci n'ont rien
d'objectif, et s'ils ont un effet loupe sur certains sujets, ils sont aussi très fort
pour en escamoter d'autres complètement.
Cette expérience, cet été, me laisse à danser sur un fil, au mois de septembre.
Je n'ai pas chanté tout l'été comme la cigale, au contraire, je n'ai jamais autant
travaillé, telle une fourmi. Mais je ne récolte pas les fruits de mon travail, bien loin
de là, je les perds.
Car en cette rentrée, j'ai encore plus de travail qu'avant, pour tout reconstruire, et
tirer mon entreprise de sous terre, comme si je venais de la recommencer, tout ça
sans savoir comment retrouver mes clients, et ne voulant certainement pas les amener
sur Etsy. Avoir du travail, ça j'en ai. Avoir un salaire... c'est une autre paire de manche.
J'ai écrit cet article parce que je suis loin d'être la seule concernée, et que si vous voulez
bien vous y intéresser, à cette économie souterraine pas si souterraine que ça,
vous saurez. Vous saurez à quel point il faut nous soutenir, psychologiquement, et
aussi financièrement, si vous voulez bien retrouver le chemin de nos produits.
Je ne parle pas seulement pour moi, je parle au nom de toutes les créatrices
et de tous les créateurs du fait main, comme moi, les petits, et les grands.
Alors, c'est parti. Puisqu'il faut tout recommencer, on se retrousse les manches...
Parce qu'abandonner ses rêves et sa création n'est jamais, jamais, une bonne
décision. Et que quand on est entrepreneur, on ne baisse pas les bras à la première
déconvenue. Ni à la ... centième.
Baci,
Sophie / Saucisse