Gloups.
C'était un lugubre 11 novembre.
Le 11 novembre à Paris, pour ceux qui connais-
sent pas, ou qui ont l'immense joie de vivre à la
campagne ou en province, c'est à peu près le
summum de la dépression.
Votre famille est loin, donc vous n'avez pas de
repas de famille en vue. D'ailleurs avez-vous même
une famille? Cosette à côté de vous est une gaie-
luronne.
Il fait dix degrés dehors, et tellement gris et
mouillé qu'une chatte n'y retrouverait pas ses
petits. Votre compte en banque est déjà à sec,
bien qu'on ne soit que le 11 du mois...
Vous allumez la télé, il n'y a que des commémo-
rations célébrant la mort, (des vôtres), ou des
soldats, pendant la guerre. Ce jour là, tout le
monde de toute façon a l'air d'avoir 120 ans dans
le poste. Vous ne pouvez pas appeler vos amis,
parce que eux, ils sont en famille, ou qu'ils cuvent
les débordements de la veille.
Vous ne pouvez pas aller au cinéma, parce que
350 000 personnes seules ont déjà eu la même idée
que vous, et la seule pensée d'avoir à faire la queue
dehors dans le froid vous glace les sangs.
Du coup, vous regardez les boîtes de médicaments
avec une certaine tendresse, comme s'ils étaient
des bonbons susceptibles de vous donner un peu
de réconfort...
Si vous êtes une Saucisse, cela dit, vous en avez
vu d'autres, et ce n'est pas un peu de grisaille qui
va vous porter sur le moral.
Pour commencer, vous forez des tunnels dans votre
réserve personnelle de chocolat et de gâteaux, que
vous vous êtes constituée en prévision, comme un
fort dans lequel vous pouvez vous abriter pour lutter
contre les vilaines idées noires.
Ensuite, vous recherchez la lumière : vous allumez
absolument toutes les ampoules qui existent chez
vous; dans la cuisine, la radio est allumée et au salon,
c'est l'ordi. Avec un bon petit thé, vous commencez
à rattraper le retard que vous aviez dans vos lectures
de blogs. Une petite séance de "noueuse d'aiguillette",
de ma copine Angélique, et me voilà bidonnée sur le
canapé. Déprimant le 11 novembre? Que nenni !! Foi
de Saucisse !
Vers quatre heures (il fait donc nuit noire à Paris),
vous décidez de sortir vous aérer. Les neurones fonc-
tionnent mieux si on leur donne à manger de l'oxygène,
et puis, il faut éliminer tout le chocolat...
Donc, vous décidez de prendre un petit bain de foule
aux Galeries Lafayette et au Printemps, pour voir les
vitrines de Noël !
Avantage : vous vous rendez compte que vous n'êtes
pas seul sur terre ni à Paris, et vous n'avez pas froid
à cause de la chaleur humaine du bain de foule.
Inconvénient : il faut mettre deux ou trois mandales
aux petits lardons agglutinés et à leurs mères sans
cerveau qui persistent à utiliser des poussettes dans
de telles conditions, et donc à vous rouler sur les pieds
allègrement. (Si, si, j'aime les enfants. Pas leurs mères.)
Autre avantage : Noël n'est qu'en Décembre, mais
puisqu'on est le 11 novembre, on peut dire que vous
êtes déjà à la pointe de la nouveauté !
De plus les vitrines sont très intéressantes pour une
ou un décorateur car elles sont un résumé de ce que
les "tendanceurs" ont choisi comme thèmes et comme
couleurs pour l'année. Hum, hum, je note !
Pour commencer, vous vous déplacez sous un ciel
constellé de mille couleurs (enfin, au moins 5) :
La voie lactée à côté, c'est des vers luisants malades.
Puis, vous vous intéressez aux vitrines.
Donc là, coup de genou, coup de coude dans les gencives,
sourire poli et carnassier : "oh pardon".
Pour découvrir avec stupeur que le thème de cette année,
est tenez vous bien, le Cabaret. Alors euh... comment vous
dire ... Les cabarets ne sont pas vraiment un lieu pour les
enfants. Or, les vitrines de noël du Printemps et des Galeries
Lafayette sont vues chaque année par des millions d'enfants...
Comment rendre un ours en peluche sexy sans choquer la
bien-pensance parentale? Faut-il retirer ses bas résilles à
barbie?
Le résultat est donc assez mitigé à mon avis, puisqu'on ne
peut pas vraiment se lâcher dans le domaine du sexe et qu'on
ne peut pas non plus présenter un spectacle mièvre sur ce
thème. Perso, je n'aurais pas aimé être la déco à qui on confie
cette tâche. Du coup, ça a donné des ours en peluches avec
des palmes à paillettes...
Vous me croyez pas?
Extrait de la comédie musicale "Mamma Mia" ...
Heureusement, il y a aussi des trucs de meilleur goût,
comme par exemple des clins d'oeil au cabaret des
années 30 :
Et des lutin(e)s charmant(e)s qui lèvent la jambe.
Moi, je n'ai pas l'étincelle de plaisir qu'ont les enfants
en voyant ces petites gambettes en l'air.
Par contre, je stocke dans ma rétine des vibrations de couleurs :
ROUGE(?)
Ne me demandez pas ce que fait la poupée. Je ne sais pas.
VERT
La deuxième tendance déco selon le Printemps, m'a énormé-
ment plu. Autant le cabaret-en-jouets m'a laissée de marbre,
autant la réponse chic et raffinée quelques mètres plus loin
a remporté mes suffrages haut la main.
Il s'agit d'une sorte de délire sur l'aristocratie russe du 19ème,
je ne vois que ça. Caviar, homard, pelisses en fourrure, cristal
et perles de culture : ça envoie.
Tout n'est que luxe et raffinement.
Même les couleurs, qui sont sourdes, ne sont pas ternes.
Au contraire, elles envoient un châtoiement subtil et raffiné,
tout dans la nuance, jamais dans le clinquant. Ces vitrines
sont la parfaite antithèse du Bling, de la vulgarité, du Kitsch :
c'est un régal pour les yeux.
Démonstration :
C'est un peu chargé? Boooh je vois pas pourquoi vous dites ça...
Je ne sais pas vous, mais moi, en voyant ces images,
je suis immédiatement transportée dans la littérature.
Celle du dix-neuvième. Je visualise les dîners décadents
de Lucien de Rubempré, dans Illusions Perdues, de Balzac.
Je vois la magnificence des festins de La Curée, de Zola, ou
de ceux de La Peau de Chagrin, toujours de Balzac.
Les pelisses en fourrure me transportent chez Anna
Karénine, de Tolstoï, mais aussi dans le monde étroit, froid
et compassé d'Edith Wharton, dans The Age of Innocence,
et aussi celui de Henry James.
Eh ben moi je dis, qu'un décorateur qui a le pouvoir de
susciter ça chez quelqu'un, c'est un(e) artiste.
Bravo, les gars.
Ils ont aussi filé la métaphore, en poursuivant dans le délire
aristo : chevaux, chiens, faisans... Tout pour la chasse à courre.
Mais attention, toujours du raffinement :
Cheval perlé,
Robe ocelée ...
Serres serties de pierres,
Lévriers emmoutonnés !
Ensuite euh... ils ont un peu craqué ...
Mais cela dit je comprends, au bout des milliers d'heures
passées à construire ces vitrines les nerfs doivent lâcher.
C'est joli hein? Ui.
Mais le plus beau dans tout ça, les amis, pour conclure en
beauté mon onze (novembre), c'est que j'ai trouvé ma robe
de réveillon, sobre, discrète, classe, à mon image, quoi.
Quoi?
Si, si, je pourrai reporter le chapeau.
Bon pour la robe seul bémol : je devrai perdre un quintal...
Mmmmmmh en cette fin d'année c'est pas gagné !
Bises enrhubées,
Saucisse