UNE SOIRÉE AU THÉÂTRE AVEC TIF
Mardi soir dernier, théâtre du Châtelet, je suis invitée par
ma copine Tifenn à aller voir l'avant-première de My Fair Lady,
gratos, parce que son mec y travaille comme machiniste et
qu'il a des places.
Double choc : Oh mon dieu !!!!!
Le théâtre du Châtelet est magnifique à l'intérieur, depuis toutes
ces années à Paris je n'y avais jamais mis les pieds, et la salle
grouille littéralement de monde. Pas une seule place de libre.
Le prix des places varie entre 35 et 111 euros, mais je soupçonne
que la plupart des gens qui sont là n'ont pas déboursé un centime,
puisqu'il s'agit en majorité des gens de la presse écrite, de la télé
-vision et du monde du théâtre.
Quel frisson délicieux, de se retrouver là au milieu de tous ces
gens, je me crois à la première d'un grand drame romantique....
Où est mon Alfred de Musset?
Bien sûr je ne savais pas, donc je suis venue en gros pull de ski...
mais avec des talons de 8 (ce style vestimentaire définit d'ailleurs
assez bien ma personnalité, maintenant que j'y réfléchis), ce qui m'a
valu une belle gamelle dans l'entrée en marbre blanc devant les
regards médusés puis hilares de l'ensemble du personnel d'accueil,
et une belle anecdote pour eux, je pense, à se remémorer durant
quelques jours.
La pièce dure 3 heures 30, avec un entracte de 20 minutes.
Trois heures trente !
Mais en fait une fois qu'on est plongé dans l'obscurité, qu'un silence
à couper au couteau s'installe, (première fois que je vais au théâtre
et que je n'entends pas de téléphone vibrer, ou de personne tousser)
et que la pièce commence, on est transporté.
Le spectacle est féérique, les danseurs et les chants magnifiques.
1 heure 30 passe comme dans un rêve. Je n'avais jamais vu la pièce,
ni visionné le film, je savoure donc chaque jeu de mot et chaque joute
verbale écrite en anglais par George Bernard Shaw. (Pygmalion, 1912)
My Fair Lady est avant tout une pièce sur le langage, et du coup je com-
prends mieux pourquoi toutes les profs d'anglais vieilles filles que j'ai pu
croiser vénèrent cette pièce, à moins que ce ne soit parce qu'elles s'iden-
tifient à Audrey Hepburn et fantasment sur le professeur Higgins, vieux
garçon endurci nanti qui refuse de tomber amoureux.
La pièce est une subtile mise en scène de la guerre des sexes, avec une
étonnante modernité des discours sur l'émancipation de la femme, et son
ascension sociale vers les plus hautes sphères de la société.
Tout cela passe comme une lettre à la boîte, grâce à une mise en scène
techniquement parfaite, des acteurs sensationnels et un décor raffiné mais
qui sait s'effacer au profit du jeu théâtral.
Je peux vous dire que je n'ai pas boudé mon plaisir.
Durant l'entracte, pendant que Tif s'adonnait aux méfaits du tabac, tandis
que je résistais à cette vilaine sirène, je me suis baladée dans le théâtre,
le nez en l'air.
Les lustres, les dorures, les anciennes affiches de représentation...
Tout a captivé mon attention et j'ai même eu du mal à retourner à ma place
tant je voulais me faufiler dans chaque coursive et visiter chaque balcon.
Le théâtre du chatelet est grandiose :
(Il faudra excuser la qualité de mes photos, prises avec mon téléphone chinois...)
la scène montée pour la pièce mais chuuut ... vous n'avez rien vu ...
A vrai dire la pièce aurait pu être un four total, je m'en serais tamponné.
La seule vue de tous ces ors, cette architecture que je croyais réservée
à l'opéra Garnier, m'a bluffée.
C'est sûr, il ne faut pas grand chose pour me mettre une étincelle dans
les yeux... Ces dernières années j'avais tellement pris Paris pour acquis
que je me réveille comme la belle au bois dormant. J'ai encore tellement
à découvrir, ici... Alors tant que j'y suis bloquée, autant en profiter, et
s'en mettre plein les mirettes !
Une chose m'a intriguée pourtant, c'est le choix artistique de restauration
de la verrière. La mode en ce moment est à la rencontre fracassante entre
l'ancien et le moderne; cf l'expo Jeff Koons de homards géants oranges au
beau milieu des ors de Versailles, qui a quand même suscité la controverse
et même une plainte des Versaillais ! Pour mémoire :
Personnellement je n'adore pas, mais néanmoins j'adhère, parce que je
pense que toute créativité passe par des chocs brutaux, des associations
improbables, et que le grand art est de justement retrouver l'harmonie
au milieu du bizarre.
Et c'est pour cela, mesdames et messieurs, qu'on trouve sur les murs
du vénérable théâtre du Châtelet des extra-terrestres en slip kangourou
très colorés. Vous me croyez pas ?
Et ça :
Oui, ça décoiffe. Ça hérisse même peut-être. Moi j'aime bien, c'est très
BD et c'est mon truc.
Alors voilà.
Eliza Doolittle a dit au professeur Higgins qu'elle partait, il est donc tombé
amoureux. Et ce qui devait arriver arriva ...
En relisant un peu les détails de la pièce je m'aperçois qu'elle doit ses cos-
tumes à Anthony Powell, qui a travaillé sur Indiana Jones, Pirates et
La neuvième porte de Polanski, etc. Personnellement, je lui adresse mes
chaudes félicitations car la sortie d'Eliza en robe blanche avant le bal est un
pur moment de grâce, si j'osais je dirais même de Grace Kelly (huhu), c'est
un rêve absolu de satin et de raffinement. Je crois qu'à ce moment là, pen-
dant que mon voisin commençait à s'assoupir (car ne nous voilons pas la
face : My Fair Lady est avant tout une comédie romantique, donc un spec-
tacle de fille), je devais avoir la bouche ouverte de surprise et d'émerveille-
ment. Je pense que je vais le contacter pour ma robe de mariée.
Je remercie donc encore et encore chaleureusement mon amie Tifenn,
cocotte de mon coeur, ainsi que les auteurs et les acteurs, pour m'avoir
donné tant de plaisir.
GENRE : MUSIQUE
Pièce de Frederick Loewe , Alan Jay Lerner
Montée par Robert Carsen
Avec Sarah Gabriel , Pascal Charbonneau , Christine Arand , Alex Jennings , Margaret Tyzack , Nicolas Le Prevost , Ed Lyon , Donald Maxwell , Jenny Galloway
Gros bisous, So6 congelée...